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Université de Toulouse – Sur la route de la fusion

Ces mercredi et jeudi 6 et 7 décembre, nous, étudiant·e·s du Mirail, sommes appelé·e·s à nous prononcer sur le principe de la fusion des universités toulousaine. Selon les résultats de la consultation, la marche sera lancée pour que le 1er janvier 2019 voit sortir de terre la nouvelle Université de Toulouse en lieu et place des universités de Toulouse 2 Jean-Jaurès, Toulouse 3 Paul-Sabatier, ainsi que des écoles INP et INSA et de la COMUE (l'Université Fédérale Midi Pyrénées). L'université de Toulouse 1 Capitole sera associée à ce nouveau mastodonte universitaire.tout en gardant une plus grande autonomie. Les murs de la fac ne s'effondreront pas, pas d'inquiétude à ce niveau là ! Mais en gros, ce nouvel établissement administrera quelques 93 000 étudiant·e·s et 7 500 personnel·le·s (profs et administratif·ve·s) pour un budget avoisinant le demi milliard d'euros. Une véritable petite collectivité territoriale. L'objectif ? Reconquérir l'Initiative D'EXcellence (IDEX) refusée à l'Université Fédérale Midi Pyrénées en avril 2016. L'Alouette tente de vous faire y voir plus clair.

FUSION, IDEX… Quels enjeux ?

Depuis 2007, les universités sont autonomes. Très concrètement, cela signifie que chaque établissement gère maintenant directement son budget et sa répartition alors que l’État assurait jusque là cette tâche. Dans cette enveloppe, c'est l'investissement par an et par étudiant·e qui est en jeu, soit la qualité des formations et de la recherche. Cet argent permet à l'université de faire son petit marché : quelques billets par ici pour la philo, d'autres par là pour psycho, un peu moins pour les langues, il faut être pragmatique ! Grâce à la gestion du portefeuille, les établissements font leurs propres choix stratégiques pour se démarquer et rayonner sur la scène internationale, notamment dans le classement de Shanghai*. Oui, oui, ta licence d'anthropologie du Mirail est comparée à celle d'Harvard et à celle de la Kathmandu University. Pourtant, ce n'est pas la réussite des étudiant·e·s ou encore l'investissement dans une recherche publique -acrobaties fortement appréciées par ceux qui défendent l'université ouverte à tous- qui sont attendues pour concourir. Mais bien les pirouettes de l'excellence réservée aux meilleurs baladins, spécialiste de leur discipline.

Pour doper la compétition, l’État joue sur deux leviers. Tout d'abord, les gouvernements successifs ont organisé l'étranglement financier des universités, qui ont vu leur dotation de fonctionnement fondre ces dernières années (l'investissement par an par étudiant est passé de 10 000 euros en 2010 à environ 8 500 en 2015). De moins en moins de moyens sont investis pour assurer les formations des futur·e·s saltimbanques, les caisses se vident et les clowns sont tristes : c'est la crise budgétaire dans nos facs.

En parallèle, les pouvoirs publics ont débloqué de nouveaux financements sur la base d'appel à projet : les IDEX. Pour les obtenir, les établissements sont mis en concurrence les uns par rapport aux autres et doivent monter un dossier présentant leur stratégie pour rayonner sur la scène internationale et accéder à l'excellence. Dans ce cadre, les jurys internationaux qui délibèrent de l'attribution de ces financements poussent les établissements d'un même territoire à s'unir et même à fusionner pour toucher le magot et rayonner de mille feux. C'est ce qui manquait à l'Université Fédérale Midi Pyrénées en avril 2016. C'est ce que les directions engagées dans la création de l'Université de Toulouse s'apprête à faire. Cette bonne vieille technique de la carotte et du bâton.

Un statut dérogatoire qui inquiète :

Outre les difficultés cognitives de s'imaginer le fonctionnement d'un tel mastodonte universitaire, ce sont les statuts qui inquiètent les organisations syndicales du personnel et des étudiants en premier lieu. L'Université de Toulouse devrait être établie selon les statuts de Grand Établissement, dérogatoires aux règles qui s'appliquent aux universités publiques en France. Ainsi, personnel·le·s et étudiant·e·s redoutent que l'UT fixe ses propres règles en matière de frais d'inscription ou de statut des enseignant·e·s chercheu·se·rs.

Centralisme administratif et l'élitisme :

Avec l'Université de Toulouse, une seule et même entité s'occupera presque de 100 000 personnes. Pour la seule fac du Mirail, qui compte déjà 30 000 étudiant·e·s, nous sommes déjà confrontés à un véritable dédale administratif. Avec cette super-structure, même les plus téméraires de nos camarades risquent de se perdre dans les limbes de ce nouveau mille-feuille !

Les droits étudiant·e·s sont également en balance : qui dit nouvelle entité, dit nouveau cadre pédagogique. A l'échelle de l'UT, la charte des examens pourra être débattue et les droits nivelés vers le bas en supprimant l'AJAC par exemple.

Le nerf de la guerre :

Enfin, c'est la vocation et la philosophie générale de l'université comme service public qui sont remises en cause dans ce projet. Depuis plusieurs années, les étudiant·e·s voient leurs conditions d'accès et d'études se dégrader au Mirail : des filières ferment, de plus en plus de nouveaux bachelier·e·s sont laissé·e·s sur le carreau (les fameu·ses·x sans-facs), les cours sont surchargés. Pourtant, les documents que l'Alouette a pu consulter sur le site internet de l'Université de Toulouse 2, la réussite de tous ne semble pas être la priorité du projet de création de la nouvelle UT. Dans un contexte budgétaire tendu pour les universités toulousaines (Toulouse 3 a voté un plan de 16 millions d'euros d'économies pour l'année 2017 par exemple), les crédits seront également mutualisés puis re-répartis entre les toutes les filières de santé aux sciences humaines et sociales, des lettres à la biologie, les écoles d'ingé à la pharmacie etc...

Mais que pèseront les filières de langue face à la compétitivité de médecine ? Que vaudront les étudiant·e·s d'arts du spectacle face aux polytechnicien·ne·s ? Sans parler d'un sur-coût possible liée à la fusion (absorption administrative). Autant de questions auxquelles il n'est pas possible de répondre pour l'instant. Ces inconnues inquiètent personnel·le·s et étudiant·e·s ainsi que leurs organisations syndicales. Celles-ci se mobilisent depuis plusieurs mois déjà. Les contours de l'université de demain sera à l'image de l'implication de chacun : rendez vous dans les urnes les 6 et 7 décembre prochain.

* Classement de Shanghai : Créé en 2003, le classement de Shanghaï est le classement académique mondial de référence des universités selon six critères : la qualité de l'enseignement avec le nombre de prix Nobel et de médailles Fields parmi ancien·ne·s étudiant·e, la qualité de l'institution avec le nombre de prix Nobel et de médailles Fields parmi les chercheu·se·rs et le nombre de chercheu·se·rs les plus cité·e·s dans leur discipline, les publications avec les articles publiés dans Nature et Science au cours des 5 dernières années et les articles indexés dans Science Citation Index et Arts & Humanities Citation Index et enfin la taille de l’institution avec la performance académique au regard de la taille de l'institution.

Martin Bontemps


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