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STAPS, filières bondées et université

Vous avez peut-être entendu parler des manifestations de la filière STAPS (campus Paul Sabatier), leurs revendications sont le reflet d'un problème plus généralisé qui pose notamment la question des modes d'admission à la fac. Deux de nos journalistes ont enquêté.




Etudiants d'autres contrées, malchanceux mal tombés, soiffards d'apprendre qu'on rejettera au jeu de la courte paille, saches que ton malheur a un nom, tes déboires ont commencé mais sont loin d'être apaisés... Les filières bondées gangrènent d'années en années le monde des études supérieures: tirages au sort dans un établissement public, facultés surchargées, amphithéâtres débordants, manque de Professeurs, manque de moyens... Des mots qui gâchent ton petit-déjeuner, qui couvrent tes journaux, à la rédaction, on a décidé de démêler tout ça !


« Et les STAPS? » lance une voix dans l’assemblée, alors que nous cherchons avec enthousiasme des sujets d’articles. Les STAPS, il est vrai, ont fait beaucoup de bruit en défilant le 23 septembre suite à un appel national lancé lors du CA de l’ANESTAPS et reçu par un peu plus d'une trentaine de villes en France. Deux journalistes sont alors sollicitées. Le sac de noeud est colossal, chacun y va de sa petite anecdote, et l'on se rend bien vite compte que le problème des conditions d'études et des quotas universitaires n’est pas juste une légende: il a touché des gens proches de nous, parfois avec une violence inouïe.


C'est en tentant de comprendre un cours de biologie qu’Anais en est venue au venimeux débat qui anime l'Université de Paul Sabatier, une faculté bondée parmi tant d’autres. Céline 19 ans, lui raconte les galères par lesquelles elle est passée l'année dernière, le souffle court et le visage pourpre de colère: « Oui j'ai connu les filières blindées à la rentrée 2014, c'était en sciences de la nature, à la base il y avait 1000 places et on était environ 1300. Durant deux mois, on a eu aucune réponse sur le début de nos cours, nous devions attendre. » La jeune femme lui parle alors d'un sujet épineux, ultime tentative de l’université pour désengorger la filière: le Cap Réussite. Les bacheliers n’étant pas issus d'un « bon BAC S » ou d’un bac autre que celui-ci, devaient passer leur première année en deux ans, après avoir passer un test de mathématiques, de biologie et de physique et s’être entretenus avec un professeur. Pour Solène, présidente d’un syndicat étudiant, « les bacheliers, sous l’autorité du professeur, acceptaient de passer par cette voie, alors que rien ne disait qu’ils n’y seraient pas parvenus autrement. »

Toutes deux un peu contrariées par ces déclarations, nous décidons de tenter d’en savoir plus auprès de Guillaume, le VPE de l’UT2J. Assis, autour d'une table au foyer d’HAA, dans nos bâtiments flambants neufs, nous parlons sans surprise principalement budget (ironique dites-vous?). Le budget global des universités a chuté de 200 millions d’euros en quatre ans, soit une fois et demi le budget de la seule UT2J alors que chaque année, 65 000 étudiants arrivent à l’université. La politique budgétaire gouvernementale semble tout à fait inadaptée aux besoins des différents établissements. Guillaume nous confie qu’il faudrait doubler le budget pour que l’UT2J puisse fonctionner correctement. Absolument utopique d'imaginer cela possible dans les années à venir, pensons-nous. On comprends rapidement que les politiques des différentes universités doivent trouver un moyen de s’adapter à la faible enveloppe budgétaire. Guillaume nous rapporte qu’il y a eu environ 80 à 100 cas d’étudiants refusés dans notre université, et ce, dans plusieurs composantes (psychologie principalement mais aussi lettres, langues, sociologie). Pourtant, nous sommes visiblement bien lotis, puisque nous sommes une des facultés ou l'on constate le moins de cas et que les situations des étudiants concernés ont été régularisées. Nous quittons Guillaume avec un petit sourire crispée, après qu'il nous ait éclairées sur le fonctionnement des syndicats à l’université, nous faisait ainsi prendre conscience de la méconnaisse de celui-ci par la plupart des étudiants.

C’est ainsi que nous en revenons là ou toute notre investigation a commencé, vers cette filière méconnue dont nous n’avons qu’une image faite de clichés: les STAPS. Anais engage notre réflexion en faisant un petit tour sur leur site. « Afin d'accueillir les étudiants dans les meilleures conditions de réussite, les sections L1 STAPS de Toulouse ne permettent pas d'inscrire plus de 450 étudiants en première année d’études. Lorsque le nombre de candidats ayant inscrit cette filière comme vœu n°1 sur APB dépasse la capacité d'inscription, les dossiers sont traités sur le mode du tri aléatoire au regard de l'académie d'origine des candidats et le rang du voeu selon la réglementation . Ainsi seront prioritaires les candidats issus de l'académie de Toulouse et ayant inscrit L1 STAPS comme 1er voeu d’études. L’Université P. Sabatier n'acceptera aucun bachelier de la procédure complémentaire. Par conséquent, les bacheliers non retenus sur admission post-bac ne pourront être pris en compte pour l'inscription en L1 STAPS. » lit-elle, non sans un certain désarroi. De mon côté, j’ai la sensation étrange que j’assiste à une déshumanisation totale de l'université. Affligées par cette série de malheureuses découvertes, nous décidons de nous aventurer sur la côté est de Toulouse, à l’UT3.


Le vent souffle sur l’Université Paul Sabatier, la plupart des étudiants sont en cours et le parc est quasiment désert. Après quelques tentatives désespérées de mettre la main sur les bâtiments des stapsiens, et quelques interpellations ratées, nous pénétrons dans le bureau de l’association. Rien ne nous surprends vraiment, un post-it humoristique noyé au milieu d’une montagne de choses à faire, des affiches pour des soirées étudiantes, un calendrier des différents évènements à venir, jusqu’à présent, ils sont à peu près fidèles à l’image stéréotypée qu'on se faisait d’eux. On nous indique une voiture sur le parking, amusées et quelque peu gênées, nous frappons à la vitre. François en descend, et nous annonce en riant son titre à rallonge: « Vice président en charge des relations internationales ». « Je m’occupe des ERASMUS quoi », ajoute-t-il, en réponse à ma mimique interrogative. Il nous avoue être peu qualifié pour nous parler avec précision des mouvements de ce début d’année, mais nous confie son expérience dans la filière. Sans surprise, nous parlons à nouveau budget, « le soucis, c’est que ça fait maintenant deux ans qu'on se bat, et qu'il n'y pas vraiment d’amélioration. On a mis en place un tutorat pour aider les étudiants. Mais c’est un ras-le- bol général, les profs sont peu ou pas rémunérés pour les heures qu'ils font, notre UFR n'est pas aux normes, on a même des substances inflammables sous l’un de nos amphis. » François nous explique que le STAPS, c'est comme une grande famille, et que les problèmes budgétaires sont à l’origine de tensions qu’il déplore. « Pourtant, on se bouge, on essaie de faire changer les choses, ça se passe assez bien avec l’administration, parce qu’on a su leur montrer qu’on était pas juste bons à faire la fête. »


Yoann, prétendant au poste de président de l'association, arrive alors à son tour et nous explique qu’il s'agit de la dernière année de leur offre de formation, qu’il faudra bientôt en présenter une nouvelle, mais que les conditions d’études se sont déjà bien dégradées depuis quatre ans. « Notre piste d’athlétisme n’a pas été rénovée, les étudiants se font des périostites. » Mon regard se perd à nouveau dans le vide et il m’explique « c’est une inflammation entre le tibia et le mollet, souvent causée par des chocs répétés. »

Mais voilà, le fait est qu’en cette rentrée 2015, un CDD n’a pas été renouvelé et des postes laissés vacants n’ont pas été pourvus à nouveau, il n'y avait alors pas assez de chargés de TD et des groupes de L1 se sont retrouvés sans cours. « Si tu n’offres pas la même formation à tous les étudiants, tu poses une question d’équité. » Nous hochons la tête. Après la démission de leur président qui a maintenant des responsabilités politiques, les STAPS se retrouvent sous tutelle du rectorat jusqu’à la nouvelle élection. Leur mobilisation, que François nous décrivait par ailleurs festive «on faisait du volley et la farandole devant le rectorat », leur a permise de débloquer deux postes à mi-temps, ce qui suffit à relancer les TD tout en restant largement insuffisant.




En retournant vers les transports en commun, nous nous rendons compte que nous avons rencontré des étudiants qui, comme nous, aiment leur formation, aiment leur université, et qu'ils la voudraient plus juste, plus efficace. Nous sommes tous face aux mêmes problèmes: les formations dévaluées, le manque d’enseignants qualifiés, les bâtiments surpeuplés, la menace plus ou moins proche d'une sélection. Et pourtant, à la question « que peut-on faire? », la réponse est quasiment unanime: se rassembler, porter nos revendications au delà des universités, parce que c'est bien les budgets gouvernementaux qui étouffent leur fonctionnement entrainant une série de décisions arbitraires, parfois à la limite de la légalité, des différentes directions. Alors oui, nos universités partent à la dérive, nos conditions d’études se dégradent, et les futurs étudiants se verront peut-être refuser l'entrée à l’université mais il y a dans notre seule belle ville de Toulouse, des étudiants qui se battent, avec leur petites armes et tout leur coeur, pour essayer de changer une petite parcelle du Monde, à défaut de le changer tout entier.


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