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K.V.M.

  • L'Alouette
  • 1 déc. 2015
  • 3 min de lecture

S'il fallait rire un peu du temps passé ensemble, sans doute trouveraient-ils un instant supérieur à tous les autres, qu’ils vivraient pleinement, comme un instant de grâce qu’on leur aurait offert par surprise. On leur donnerait l’occasion de revenir à leurs souvenirs. Les souvenirs qu’on traîne, qu’on abîme, parfois sans le vouloir, qu’on s’invente et qu’on embellit jusque dans leurs plus menus détails. Des souvenirs communs, à confronter à leurs désirs, à leurs peurs, à tout ce qui fait leur particularité, qui contrasteraient sans doute avec la réalité des événements. La réalité inespérée. La réalité déçue. La réalité subjective de deux âmes qui se sont un jour rencontrées, qui ont un jour partagé un instant. Qui ont vécu quelque chose ensemble. Jusqu’à quel point l’événement trouvera-t-il un écho semblable dans l’esprit de l’un et de l’autre ? Jusqu’à quel point le bonheur de cet instant les aura-t-il touchés tous deux avec la même intensité ? Cet instant, qui fut décisif, qui changea tout pour elle, parce que c’était lui, était-il une brèche pour lui aussi ? Une limite impénétrable entre un avant et un après ? Traîne-t-il lui aussi ce souvenir qui éclaire tous les petits frémissements de la vie ? Pense-t-il à elle quand un oiseau vole au dessus de sa tête ? Ses yeux lui apparaissent-ils dans le regard de quelqu’un d’autre, croisé au détour d’une avenue ? Rit-il quand il la retrouve au travers d’une phrase lue dans un livre, d’une image vue à l’écran, d’une mélodie entendue ? Peut-être oubliera-t-elle, elle aussi. Peut-être oubliera-t-elle avant lui. Peut-être pourra-t-elle voir, écouter, sentir, penser, sans que son ombre ne menace de resurgir à chaque instant. Peut-être ne le pourra-t-elle jamais. Peut-être se réjouira-t-elle de ces surgissements. Ils lui berceront l’âme les jours où la vie aura chassé l’espoir. Elle se souviendra dans sa seule subjectivité, sans ne jamais rien savoir de la subjectivité de l’autre qui ne peut être elle. Elle rira pour la centième fois de cette blague qu’il avait faite, ce soir là. Elle sentira son odeur dans le cou d’un autre qu’elle fuira pour n’être pas lui. Elle l’aura aimé, plus ou moins longtemps, plus ou moins intensément, et elle n’aimera plus jamais sans penser à son visage. Quand il était là, elle était à la fois tout à fait semblable et tout à fait différente. Elle sentait pour la première fois. Elle sentait la liberté. Parce qu’une rencontre ouvre forcément une brèche. Un instant suspendu. Elle dégage le champ des possibles. Et le souvenir de cette rencontre fait résonner ces possibles dans les moindres choix qu’offre la vie d’après. Il sera là quand elle partira, un jour, saisir la liberté qui aura été rendue belle par cette rencontre. Il sera là, dans un coin de son esprit, quand elle se surprendra à trouver chez un autre une nouvelle brèche à transcender, un nouveau champ des possibles à explorer. Elle chérira cette rencontre ni pour ses similitudes ni pour ses différences avec les précédentes. Elle la chérira pour son essence. Parce qu’elle représentera un nouveau frémissement de l’existence. Elle créera de nouvelles sensations, elle apportera de nouveaux surgissements au quotidien. Ce dernier sera plus drôle, plus mélancolique, plus rassurant. Il sera plus vivant. Elle se retournera sans doute bientôt en se disant qu’elle n’aurait jamais voulu qu’aucun de ces dons n’eut été différent. Ils étaient beaux parce qu’ils étaient. Parce qu'ils étaient simplement.

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