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Burden Ranch

  • L'Alouette
  • 16 avr. 2016
  • 2 min de lecture

Tu lèves les yeux vers le ciel et tu es frappé d’effroi. Tu considères l’ensemble de la terre et tu frissonnes. Saint Augustin Sur le Psaume 145, n°12.

I – L’arrivée.

Il y avait, dans les falaises qui délimitaient cette route escarpée du Nevada, un sentiment de liberté, une force qui remontait du sol et qui nous couvrait amicalement de ses ailes protectrices. Cela faisait presque dix ans que je n’avais pas mis le pied à Burden Ranch, cette grande propriété achetée par ma sœur, Annie, et son compagnon, W. Ma sœur avait vécu dans un conte de fée, celui où elle pourrait seule au monde profiter de l’homme qui la protégeait et l’aimait. Aussi, le lendemain de leur mariage, W avait acheté Burden Ranch et lui présentait, peu après, sa nouvelle maison, leur nouvelle maison. J’avais à l’occasion passé quelques mois là-bas, au milieu de l’immensité du désert incandescent pour mettre de l’ordre dans cette ancienne propriété fermière. Il y avait eu beaucoup à faire.

Ma sœur avait vécu trois ou quatre années paisibles dans son mariage. W était quelqu’un d’exemplaire : après avoir réussi dans la finance, il avait en réserve plus de rentes qu’il ne lui en fallait pour vivre jusqu’à la fin de ses jours. Il avait acheté la maison, mais il achetait aussi ce qui lui plaisait, et plus que tout, ce qui était susceptible de lui plaire un jour ou deux. Le ranch s’était très vite rempli de ses facéties et Annie n’en était d’ailleurs nullement fâchée, mais semblait au contraire l’encourager dans ses expériences éphémères qui les faisaient voyager sans bouger d’un pouce de leur propre maison.

Après ces années insouciantes où W paraissait n’avoir comme souci d’entasser de nouveaux objets, Annie tomba gravement malade. Une maladie foudroyante qui laissa toute la famille dans un profond désarroi, et c’est bouche bée, le visage encore inexpressif, que nous nous étions tous rendus à son enterrement. Annie était pour moi partie comme elle était arrivée : de façon brutale et inattendue. Ma petite sœur était morte et rien ne pouvait la faire revivre, mais il me semblait qu’elle n’avait jamais vraiment existé. Elle avait vécu à travers le filtre de l’enfance et de l’innocence et elle était partie sans avoir compris ce que la vie lui réservait. Elle ne lui réservait en fait, précisément rien. W avait passé quelques mois dans l’Ontario, avec sa famille, trop blessé pour retourner immédiatement à Burden Ranch. Quand il le fit, quelques mois plus tard, il s’enferma à l’intérieur et n’en sortit quasiment plus pendant de longues semaines, avant de reparaître en ville, la mine basse et les yeux fatigués. Il ne tiendrait jamais en place, c’était certain. Voilà tout le bien et le mal que je pensais de W. Ce n’était pas un homme volage, mais quelqu’un qui avait sa fortune dans la bourse et les casinos ne pouvait simplement se contenter de vivre seul dans un ranch pour le restant de ses jours. Je m’attendais donc à recevoir très vite une lettre de lui, m’indiquant qu’il avait mis en vente la maison et avait fait la connaissance providentielle d’une magnifique millionnaire à Vegas. Personne, naturellement, ne lui en aurait voulu. J’attendais, mais rien ne vint. Annie reposait tranquillement dans le cimetière, et W reposait à Burden Ranch.


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