Élections, Catalogne : l'Espagne dans le flou
- L'Alouette
- 16 avr. 2016
- 4 min de lecture
Les élections générales qui renouvellent tous les quatre ans les deux chambres du parlement espagnol ont été célébrées le 20 décembre dernier. Elles n’ont donné aucune majorité claire à un des partis en lice pour pouvoir accéder à la Moncloa, la résidence du chef du gouvernement. Les résultats ont cependant confirmé la fin du bipartisme, avec la montée de deux jeunes partis politiques, Podemos et Ciudadanos. Pendant ce temps, la Catalogne, après de longs mois d’attente, a élu son président et continue plus que jamais son combat pour l’indépendance.

La fin de plus de 30 ans de bipartisme 20 décembre 2015 : coup de tonnerre retentissant de l’autre côté des Pyrénées. Les urnes de la Péninsule ont mis fin à un bipartisme jusqu’alors dominé par les deux grandes formations politiques qui, depuis la fin de l’ère franquiste et le début de la démocratie, se partageaient le pouvoir à tour de rôle. Le PP (Partido Popular), et le PSOE (Partido Socialista Español) ont subi un revers historique. Bien qu’arrivés, respectivement, premier avec 28,71% des voix et 123 sièges sur 350 et second avec 22% des voix et 90 sièges, ils accusent de lourdes pertes. Pour le parti au pouvoir, le Partido Popular, ce sont 63 sièges de moins que la précédente législature, et 20 de moins pour l’opposition, soit quelques 8 millions d’électeurs. Aucun parti n’atteint la majorité absolue des 175 sièges, et aucune alliance ne semble pouvoir se nouer entre les différentes couleurs politiques. La possibilité d’un retour aux isoloirs en juin ne semble désormais plus écartée si aucun accord n’est trouvé d’ici quelques semaines.
Podemos : “Yes We Can” ibérique Les vieux partis n’ont pas pu faire face à la montée des deux jeunes formations politiques qui depuis deux années se sont faites une renommée à l’échelle nationale. Une montée fulgurante due à une grosse crise de confiance de la population envers ses élites, suite aux nombreuses affaires politico-financières de corruption, blanchiment, impliquant de hauts responsables (affaires Barcenas, Gürtel, De La Serna entre autres). Podemos, -Nous Pouvons en français- formation politique de la gauche radicale se définit comme héritier du mouvement des Indignés. Menés par Pablo Iglesias, charismatique universitaire de 37 ans ayant troqué le traditionnel costard cravate pour des tenues plus décontractées, reconnaissable à sa queue de cheval, a fait de la lutte contre la corruption, la fin des expulsions de domiciles et une répartition juste des richesses son cheval de bataille. Avec un chômage de 22,7% de la population, atteignant 45% chez les moins de 25 ans, les résultats - 69 sièges - confirment une forte adhésion de la jeunesse espagnole aux idées de Podemos. Déjà aux élections municipales du 24 mai 2015, les deux plus grandes villes d’Espagne, Madrid et Barcelone, étaient tombées aux mains de Podemos et ses alliés, une grande première.
Ciudadanos : de la Catalogne à l’Espagne Créé en 2006 par un jeune et brillant juriste, Albert Riveira, le parti catalan Ciutatans – Citoyens en français – s’est imposé en 2014 à l’échelle nationale, en même temps que Podemos. En espagnolisant le nom du parti, qui devient Ciudadanos, Albert Riveira veut, lui, rassembler les indignés de la droite. Se réclamant d’un centre droit libéral, il a pu bénéficier de l’afflux de nombreux cadres du Partido Popular lors de la création de son parti. En faveur d’une baisse générale des impôts et de la défense de la classe moyenne, les 40 députés acquis aux dernières élections confirment cette percée et se voient en position de contester le leadership de l’ancienne droite traditionnelle. Catalogne : l’autre défi de l’Espagne Sujet brûlant durant la campagne des élections générales, les partis politiques espagnols ont affiché leurs différences sur le sujet. Le PSOE, le PP, et Ciudadanos ont clairement fait comprendre que l’Espagne restera une. Podemos, lui, considère que le principe d’autodétermination est à respecter et c’est pour cela qu’en cas d’accès à la présidence du gouvernement Pablo Iglesias pourrait décider de la tenue d’un référendum en Catalogne. Les dernières élections régionales pour élire le Parlement de Catalogne en septembre 2015 ont placé premier les indépendantistes Catalans de Junts pel si –Ensemble pour le oui-, mené par le président sortant de la droite conservatrice Artur Mas. Mais à la lecture des résultats, la victoire semble mitigée pour ces indépendantistes qui ont pour projet de se séparer d’ici quelques mois du reste de l’Espagne en proclamant la République de Catalogne. En effet, Junts pel Si est une coalition éclectique rassemblant plusieurs mouvances. Créée pour donner une dynamique supplémentaire au mouvement indépendantiste, elle fut aussi l’occasion pour le président sortant de la Generalitat de camoufler la chute de son propre parti, Convergents. Pour ces élections, la balance en termes de voix est néanmoins favorable aux unionistes, ceux qui refusent l’indépendance. La coalition Junts pel si, avec 62 sièges remportés a gagné les élections, mais avait pour cela eu besoin de l’appui d’un parti d’extrême gauche europhobe et indépendantiste, la CUP. Ce dernier, opposé aux réformes d’austérité entreprises par l’ancien exécutif, se refusait à voter son investiture. Il a donc fallu attendre le 10 janvier pour qu’après d’intenses négociations le président sortant retire sa candidature en faveur de Carles Puigdemont, ancien maire de Gérone, qui a ainsi été élu président de la Généralité, avec les voix de l’extrême gauche. Depuis son élection, le nouveau président a bien fait savoir qu’il voulait accélérer le processus indépendantiste et que la Catalogne pourrait déclarer unilatéralement son indépendance. Match indécis et tendu entre Madrid et Barcelone, mais on ne parle pas ici de football.
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