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  • L'Alouette

Le rugby, un sport qui fait (et va) mal.


 


 

L E R U G B Y , U N S P O R T Q U I F A I T ( E T V A ) M A L

   Depuis quelque temps, un vent médiatique souffle au-dessus de la planète rugby, au niveau national, comme international. Celui-ci n’est tristement pas élogieux, ni de bon augure pour l’ovalie. Nombreux sont les mots, les prises de paroles de dirigeants, de joueurs, de présidents ou encore de médecins au sujet du rugby. Sans appel sont les constats : le rugby va mal. Les origines de ce mal sont diverses, mais c’est une accumulation de déboires qui affecte profondément ce sport.


UN SPORT DE PLUS EN PLUS VIOLENT…

   « Protocole commotion » : en voilà une expression qui, il y a quelques années, aurait fait se soulever les sourcils des adeptes du ballon ovale, mais qui aujourd’hui ne surprend plus. Cette expression, est utilisée par l’arbitre d’un match lorsqu’un joueur est, ou semble avoir été sonné par un choc, l’obligeant alors à quitter le terrain pour passer quelques tests dans le vestiaire avec un médecin, afin d’évaluer s’il est en mesure de reprendre le jeu sans risque, ou non.

   Ces dernières années, cette pratique du protocole s’est largement généralisée, et il ne se passe quasiment plus un match sans qu’un joueur n’en soit le sujet. Plusieurs facteurs expliquent cette recrudescence de KO en plein match. En premier lieu, la massivité musculaire des joueurs est l’une des explications qui s’impose, avec des gaillards dont les mensurations sont de plus en plus importantes. Plus de masse, plus de violence dans les chocs, c’est purement scientifique. Oui, mais la science, c’est une chose, la tactique en est une autre.

    L’époque des gabarits sveltes des années 80 qui se démarquaient par leur art de l’évitement, leur vitesse, ou leur crochet semble désormais lointaine. Ces dernières années, c’est tout un schéma de jeu qui s’est bâti sur la percussion, le contact ; le choix de préférer s’encastrer dans un défenseur plutôt que de chercher l’espace, l’intervalle, ou de faire une passe supplémentaire pour créer la brèche. De fait, cette philosophie de la percussion, se fait alors l’écho de ce sport de dévouement physique et de combat, comme aiment l’appeler certains, qu’est le rugby. Aller tout droit, foncer, cette tactique d’attaque devient un danger particulièrement lorsque la défense est irrégulière. Le joueur arrive lancé, son vis-à-vis le plaque trop haut et le choc devient significatif. Néanmoins, la situation peut s’avérer tout aussi dangereuse pour le défenseur s’il ne se baisse pas assez. En outre, dans les deux sens, cette percussion est potentiellement synonyme de danger. Depuis quelques années, ces chocs font couler beaucoup d’encre, certains y voyant seulement l’expression d’un sport d’engagement, d’autres y trouvant un signal d’alarme à tirer. De nombreuses fois, nous avons pu entendre après avoir vu un énième KO lors d’un match, qu’un jour, le joueur ne se relèverait plus.

    Ce jour est tristement arrivé, plusieurs fois même…


… AVEC DE GRAVES CONSÉQUENCES POUR SES ACTEURS PRINCIPAUX …

    Depuis 2018, quatre joueurs de rugby ont perdu la vie, quatre jeunes garçons sont morts en pratiquant le sport de leur vie. Adrien Descrulhes, 17 ans, jeune amateur de Billon dans le Puy de Dôme, Louis Fajfrowski, 21 ans, joueur professionnel du Stade Aurillacois, Nicolas Chauvin, 18 ans, espoir du Stade Français, Nathan Soyeux, 23 ans, joueur d’équipe universitaire à Dijon. Au regard de ces noms, il est désormais impossible de se dire que les chocs sont moins importants à bas niveau, puisqu’ils tuent eux-aussi. Alors que ces morts dévastent familles, équipes et joueurs, elles noircissent également terriblement le tableau d’un rugby qu’on en vient à ne plus aimer apprécier. Ce sport si noble, prônant le collectif, dont l’ambiance que même les plus petits stades soient-ils connaissent, fait peur.

    Et cette inquiétude frappe de plein fouet les acteurs mêmes de ce sport. Après la mort du jeune Nicolas Chauvin, le capitaine de l’équipe de France Guilhem Guirado admettait : « J’ai toujours une pensée, et je prie avant les matchs. » Ces mots montrent bien à quel point la situation préoccupe, et déstabilise les joueurs qui en viennent à craindre pour leur vie, en exerçant leur métier. Cependant, difficile pour eux de se positionner quant à ce problème, le rugby constituant leur activité professionnelle, il ne leur est pas vraiment « permis » de faillir. Un cap est néanmoins franchi lorsque Sam Warburton, 29 ans, international gallois comptant 74 sélections, décide d’arrêter sa carrière en juillet 2018, en avouant sentir « son corps incapable (…) de suivre un entraînement soutenu » et en présentant sa santé comme sa priorité. En janvier 2019, c’est Patrick Lambie, 28 ans, international sud-africain, 56 sélections au compteur, jouant au Racing 92 qui décide de raccrocher ses crampons. Celui qui depuis plusieurs années a multiplié les commotions cérébrales a craint pour sa santé future, et s’est dit « triste mais soulagé » de mettre un terme à sa carrière.


… QUI NUISENT À SON IMAGE.

    À ce constat gravissime d’un rugby qui frappe si fort qu’il prend des vies, une conséquence s’impose : le rugby est de moins en moins populaire. Les derniers chiffres de la Fédération Française de Rugby sont nets, sur son site, la FFR parle de 438.000 licenciés environ à ce jour. En 2015-2016, ils étaient un peu plus de 455.000. Par conséquent, ce rugby qui fait peur, est sans doute l’une des causes majeures de la baisse significative de licenciés. Un sport qui fait des victimes n’est pas un premier choix dans la tête des parents pour leurs enfants. En effet, cela se ressent puisque l’ovalie n’a pas vraiment le vent en poupe chez les plus jeunes, constat légitime au regard des blessures et des drames qui se sont multipliés.

    De plus, le rugby de ces dernières années ne crée pas de véritable engouement dans notre pays. Le XV de France ne fait en effet pas rêver les plus jeunes, enchaînant les contre-performances, et fortement en crise depuis 2011. Il vit par ailleurs encore un peu plus dans l’ombre depuis l’été 2018 et la victoire des autres bleus, ceux du football. C’est donc un cercle vicieux qui semble sévir sur le petit et le grand rugby, plongés dans un climat tendu, sous fond de blessures, de drames, influençant directement le nombre de licenciés. Cet aperçu des grandes lignes d’un problème qui touche la sphère populaire du rugby, ne se veut pas une remontrance mais seulement un constat, une détonation ou plutôt un cri du cœur, au milieu d’un monde qui demeure calme malgré des thématiques non réglées.


En outre, des solutions sont envisagées par les acteurs du rugby, et des éléments sont encourageants. Alors que les catégories masculines se désemplissent, les féminines sont elles, de plus en plus nombreuses avec plus de 18.000 licenciées en 2018 contre 11.000 environ en 2011. Elles constituent un énorme levier positif pour la discipline, avec une équipe de France qui rayonne comptant 8 victoires du Tournoi des 6 nations dont deux Grand Chelem en 2014 et 2018, et deux troisième place lors des deux dernières coupes du monde. Par ailleurs, pour pallier les problématiques liées aux chocs, des mesures dans les écoles de rugby sont prises, d’une part en interdisant la pratique du plaquage jusqu’à 12 ans, et passé cet âge, en enseignant les bonnes techniques, en réinventant la pratique, et en réorientant le jeu vers une tactique de l’évitement, comme un retour aux origines de ce qu’était le rugby.


    Néanmoins, les efforts doivent se prolonger et les règles sans doute se durcir encore, afin de constater des améliorations notables et durables. Afin de revoir ce sport faire grandir et non plus mourir des jeunes. En prenant pour exemple les belles envolées de la ligne de trois quarts Toulousaine, réinvestissant plus que jamais la vitesse, le cadrage débordement, la passe après contact plutôt que la percussion pure et dure, nous parvenons à retrouver foi en ce rugby, si beau lorsqu’il est joué de cette façon. Par conséquent, les grandes instances du rugby travaillent, modifient les règlements en mettant l’accent sur le bon comportement du corps arbitral notamment. Instauration du carton bleu par exemple qui permet à l’arbitre, lorsqu’il soupçonne une commotion cérébrale, de faire usage de ce carton, afin de ne plus permettre au joueur de revenir sur le terrain. Cependant ces grandes instances ont encore beaucoup à faire, se retrouvant face à des événements qui ne peuvent plus faire perdurer l’immobilisme. Leur travail s’annonce aussi fastidieux que la situation se montre préoccupante, et cette haute sphère du rugby a tout intérêt à raviver la flamme d'affection profonde que nous avons pour l’ovalie.


    Ovalie qui, je l’espère à l’horizon 2023, année de la coupe du monde de rugby en France, sera à l’aube d’une nouvelle vie.



écrit par Ambre Treps, illustré par Louise Sangla


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