Lou Darau #3
- L'Alouette
- 16 avr. 2016
- 3 min de lecture

Au mois de mai, si tout va bien, j’obtiendrai ma licence. J’ai de nouveau l’impression de me retrouver l’année du BAC, face à l’immensité du monde. Mais cette fois c’est différent : l’affutage d’un regard critique et l’apprentissage de la lucidité conduisent inévitablement à changer sa vision des choses.
11 heures 12 : BUC. Je tape ces quelques lignes sur mon ordinateur. Je me demande quel sera finalement le sujet principal de cette nouvelle chronique : la société du profit qui semble me contraindre à ne rien ressentir ? La multiplicité des masters qui me met face aux proverbes les plus rabâchés : « choisir c’est aussi renoncer » ? Ma manière de m’auto-stresser ? Ou alors la difficulté d’accepter les transitions, de se « laisser partir » et du même coup, de « laisser partir » les autres ? 11 heures 40 : RAS. 12 heures 10 : Il y a quelqu’un dans ma vie que j’aime beaucoup, du genre plus qu’un dimanche après-midi au fond du lit avec du chocolat et une bonne série. Je considère que c’est une chance. Mais voilà, Mieuxqu’undimanche(…), il a aussi des inquiétudes, des projets qui recoupent les miens - ou non. Et là, présentement, les projets de Mieux(…) et bien, ils matchent pas avec les miens. Moi je vivrais bien d’amour (1) et d’eau fraiche (2), j’enverrais bien tout valser pour le suivre (3) (j’irai ou tu iras, ouh ouououh, mon pays sera toi) et je me ferais bien entretenir pour le rester de ma vie (4). Mais (1) c’est surfait, (2) si ça continue comme ça, bientôt on aura plus d’eau potable et on va tous mourir, inutile donc de compter là-dessus (3) je suis pas à l’abri de me retrouver seule et triste et seule, sans amour, sans eau fraiche, et sans avenir, (4) des femmes ont brulé leurs soutien-gorges bordel. 12 heures 45 : Bon. Si une chose est bien sure, c’est que tout bad trip en mode « je m’enfuis avec le mec que je connais depuis quatre mois » est exclu. J’empêcherais bien aussi ma compagne de joie depuis trois ans de s’envoler loin (trop loin) de moi à la capitale, qu’on reste là toutes les deux, qu’on achète un food truck et qu’on écume les routes de France, passant ainsi notre vie entière à bouffer (1), à rouler (2), à fumer des pétards (3) et à cracher sur toutes les valeurs capitalistes en vendant des trucs (4). Mais : (1) j’aimerais continuer à rentrer dans du 42, (2) je ne sais même pas faire un créneau avec la voiture en plastique de mon petit cousin, (3) rien, (4) ça se mange et c’est gras alors on nous pardonne ? 13 heures 30 : Il semblerait donc que le sujet de ma chronique tourne finalement autour de mon petit égocentrisme, veuillez m’en excuser, j’ai pas les moyens de me payer un psychologue et ma mère ne me parle plus que de mon gynécologue depuis ma dernière chronique. Mais je suis sure, que vous aussi, vous vous fantasmez des vies parfois : vous auriez peut-être voulu être Benito Mussolini, ou ce mec-là, qui danse dans le métro et qui s’en carre l’oignon que vous le regardiez en riant. 13 heures 51 : Voilà. C’est inquiétant tout ça, ça fait peur un peu. Je fais un pas de plus dans la vie « d’adultes » et vous aussi mes chers compagnons bientôt licenciés. Vous voulez peut-être vous aussi, comme moi, rester un peu là. Juste ne pas bouger. Alors je vous invite à vous imprégner de cette dernière année de licence, à embrasser les gens que vous aimez, à dire à vos parents que non, vous n’avez toujours pas trouvé quel master vous voulez faire et que ça n’avancera pas plus vite s’ils vous le demandent tous les jours. Je vous invite à vous protéger quand vous vous envoyez des petit(e)s con(ne)s (et même des gens cools), parce que j’avais oublié de le dire il y a deux mois et que des MST, j’en souhaite à personne. Et quoi qu’il arrive, master ou non, avec ou sans vos potes, avec ou sans le/la petit(e) con(ne) avec qui vous couchez régulièrement, avec ou sans MST, je suis sure que ces prochaines années vous réservent des surprises géniales, et que vous deviendrez des gens biens (donc pas Benito Mussolini). J’vous embrasse mes cocos, faut que je file en cours.
Comentarios